La place des opioïdes dans le cancer évolutif

Cette fiche a été créée suite à l'intervention de Philippe POULAIN au congrès de la SFETD les douleurs dans le cancer.

 

Les postulats suivants sont suivis : les traitements administrés sont évalués, adaptés et bien tolérés. Les indications suivent les recommandations de la Haute Autorité de Santé de 2022.

Introduction

Que signifie la terminologie “opioïde” :

  • Il s’agit d’un agoniste qui agit avec ses récepteurs avec une affinité qui lui est propre. Les principaux récepteurs sont μ, ẟ et κ avec ou sans autre mécanisme d'action associés.
  • L’opioïde est choisi selon intensité de la douleur : l’utilisation d'une faible dose d'un opioïde dit fort est préférable par rapport à l'utilisation d'une forte dose d'opioïde dit faible, si on suit les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé.

Les opioïdes sont efficaces pour traiter les douleurs neuropathiques. L'étude de N. Finnerup et al parue en 2015, l'a démontrée dans une population hétérogène avec une douleur en lien ou non avec le cancer. 

Le rapport bénéfice/risque doit être :

  • considéré en fonction de chaque situation clinique,
  • envisagé avec prudence chez les patients à risque d'adduction
  • pondéré par le risque d'hyperalgésie induite

D'autres traitements reconnus efficaces spécifiquement sur les douleurs neuropathiques (comme les antiépileptiques, antidépresseurs, applications toxiques…) peuvent être associés.

La méthadone a quelques spécificités :

C'est un agoniste opioïde essentiellement du récepteur μ qui a également une action antagoniste des récepteurs N-méthyl-D-aspartate, d'où son intérêt pour les douleurs à composante neuropathiques du cancer. 

Elle est mentionnée à part car :

  • L’initiation du traitement est plus complexe que les opioïdes classiques. En effet, elle nécessite un suivi durant la première semaine (équilibration et titration). Cela demande une semaine d'hospitalisation pour équilibrer donc un frein dans son utilisation.
  • Elle possède des interactions et une toxicité particulière (allongement du QT, tolérance, interaction inter-médicaments)
  • De plus, le Zoryon était la seule spécialité ayant l’AMM dans l'indication des douleurs modérée à sévère du cancer en deuxième intention mais il vient d'être retiré du marché.
  • De même, la prescription de méthadone APHP n'a à ce jour pas d'indication dans les douleurs mais uniquement comme substitution (donc prescription hors AMM pour les douleurs).

Dans le cas de douleurs neuropathiques secondaires aux traitement du cancer

  • Premier cas : chez les patients naïfs d'opioïdes

Les opioïdes sont prescrits en dernière intention après l’échec des traitements spécifiques non opioïdes. Le tramadol et/ou la méthadone (hors AMM en première intention) du fait de leur mécanisme d'action auraient un intérêt théorique plus important. Lorsque le traitement par méthadone est indiqué, une équipe spécialisée est nécessaire pour sa mise en œuvre.

  • Second cas : chez les patients déjà traités par opioïdes

En première intention, on augmente la dose. L'efficacité des interdoses d'opioïde prises par le patient serait un argument en faveur du maintien de la molécule en cours et de l’augmentation de sa dose.

En deuxième intention, si l’augmentation des opioïdes est un échec soit par un soulagement insuffisant ou des  effets indésirables, la méthadone peut être introduite.

La méthadone peut également être introduite en troisième intention après l’échec des traitements non opioïdes spécifiques des douleurs neuropathiques.

Dans le cas de douleurs mixtes en lien avec le cancer

  • Premier cas : chez les patients non traités par des opioïdes

Les opioïdes sont prescrits en première intention selon les règles habituelles de la titration.

Si le patient est insuffisamment soulagé ou le traitement est mal toléré, il existe les alternatives suivantes :

  • Introduction d'un traitement non opioïde spécifique des douleurs neuropathiques tel que antidépresseurs, anti épileptique, topiques…
  • Introduction de tramadol ou de méthadone par une équipe spécialisée en fonction de la douleur.

 

  • Second cas : chez les patients déjà traités par opioïdes

En première intention, on augmente la dose de l'opioïde en cours. L'efficacité des interdoses d'opioïde prises par le patient serait un argument en faveur du maintien de la molécule en cours et de l’augmentation de sa dose.

Si le patient est insuffisamment soulagé ou le traitement est mal toléré, il existe les alternatives suivantes :

  • Introduction d'un traitement non opioïde spécifique des douleurs neuropathiques tel que antidépresseurs, anti épileptique, topiques…
  • Introduction de tramadol ou de méthadone par une équipe spécialisée en fonction de la douleur.

Si la douleur répond aux opioïdes mais qu'il faut augmenter rapidement la dose, l'introduction de la méthadone est à envisager.

Dans le cas de douleurs neuropathiques sans lien avec l'évolution du cancer ou avec ses traitements

Une douleur neuropathique sans lien avec le cancer nécessite une évaluation clinique et une réflexion autour de la mise en route de traitements à visée antalgiques dans le contexte.

Il faut suivre les recommandations de la SFETD sur les douleurs neuropathiques.

On peut se référer au schéma :
On observe que les opioïdes sont utilisés en deuxième ligne avec tramadol si les douleurs sont périphériques ou centrales, ou en troisième ligne l’utilisation d'opioïdes fort sont recommandés dans des douleurs qui n'ont pas de rapport avec le cancer.

Dn cancer

Point de vigilance

La polymédication est source d'interactions médicamenteuses ainsi, toute modification des doses d'un traitement ou l’introduction d'une nouvelle molécule doivent être évaluées (en particulier chez un patient traité par méthadone). On peut notamment s’appuyer sur les bases de données de Thériaque et du Vidal qui permettent l'analyse des interactions éventuelles.

Prudence avec les patients âgés et les patients fragiles

En cas de prises d'opioïdes au long cours, la pertinence de ce traitement sera à évaluer surtout lorsque l'indication de la prescription est autre qu'une pure douleur nociceptive.

L'Haute Autorité de Santé a recommandé en 2022 : “Une prise en charge pluridisciplinaire, avec le concours d'un addictologue, est recommandée pour les patients représentants un trouble de l'usage des substances, et souhaitable pour ceux ayant des antécédents d'adduction.”

Pour les patients substitués par méthadone, présentant des douleurs neuropathiques, une attention particulière sera portée lors de l'introduction de traitement non opioïdes spécifique des douleurs neuropathiques : interactions médicamenteuses, allongement de l'espace QT (notamment avec les antidépresseurs) et introduction d'un syndrome sérotoninergique.

 


Fiche créée par Julia F. Mise en ligne le 08-04-2025