Mécanismes de la douleur dans le cancer

Cette fiche a été créée suite à l'intervention de Bernard CALVINO au congrès de la SFETD sur les douleurs dans le cancer.

Introduction à la douleur

La douleur aiguë, également appelée douleur symptôme avec une installation récente. Elle joue le rôle de signal d'alarme qui permet le diagnostic, elle est liée à l'activation des nocicepteurs. Tandis que la douleur chronique, aussi nommée douleurs syndrôme/douleur maladie est une douleur persistante au cours du temps. Le temps joue un rôle crucial notamment dans le passage de la douleur aiguë à la douleur chronique.

Attention à ne pas confondre, une douleur chronique n'est pas une douleur aiguë qui se prolonge dans le temps. La douleur chronique engendre une neuroplasticité synaptique et cellulaire.

Les différents types de douleurs :

Les douleurs nociceptives sont les plus fréquentes. Elles sont provoquées par une atteinte tissulaire d’origine mécanique (compression, étirement) ou inflammatoire, due à la tumeur elle-même ou à certains traitements (chirurgie, radiothérapie…). Elles activent les récepteurs périphériques de la douleur (nocicepteurs). Dans certains cas, ces récepteurs peuvent rester sensibilisés même après la disparition de la lésion initiale, contribuant à la chronicisation de la douleur.

Les douleurs neuropathiques sont dues à une lésion ou un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique. Elles peuvent être causées directement par l’envahissement tumoral, par des lésions nerveuses induites par la chirurgie, ou encore par des traitements neurotoxiques comme certaines chimiothérapies (ex. : taxanes, platines). Ces douleurs sont souvent décrites comme des brûlures, décharges électriques, fourmillements ou engourdissements, et sont fréquemment associées à des troubles sensitifs (allodynie, hyperalgésie). On estime qu’environ 20 % des douleurs chroniques en oncologie sont de nature neuropathique.

Les douleurs nociplastiques, plus récemment identifiées, correspondent à un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur, sans preuve de lésion tissulaire ou nerveuse. Elles se manifestent par des douleurs diffuses, persistantes, souvent accompagnées de fatigue, troubles du sommeil, difficultés de concentration et altération de la qualité de vie. Ce type de douleur est particulièrement observé dans certains traitements à long terme, notamment sous hormonothérapie (par exemple dans les cancers du sein ou de la prostate), où les patients peuvent développer des tableaux proches de la fibromyalgie. Les mécanismes incluent une sensibilisation centrale et une altération de la modulation descendante de la douleur.

La vision classique des douleurs cancéreuses sont des douleurs mixtes c'est-à-dire des douleurs par excès de nociception (inflammation, sensibilisation des nocicepteurs) et dues aux développement des métastases et des douleurs neuropathiques chroniques iatrogènes liées aux traitements du cancer (radiothérapie, chimiothérapie neurotoxiques) et liées à la poussée tumorale (compression des structures nerveuses).

Douleurs chroniques inflammatoire cancéreuse

La douleur chronique inflammatoire est liée au développement de la tumeur qui sécrète un certain nombre de cytokines (= petit messager chimiques) qui génèrent la douleur neuropathique par sensibilisation périphérique. Ceci est lié au fait que le neurone, à son extrémité terminale, exprime tous les récepteurs de ses messagers chimiques. Ces arborisations terminaux sont à l'origine d'une inflammation neurogène activée par les nocicepteurs de l'arborisation. Ces arborisations terminales secondaires vont libérer des neuropeptides qui vont entretenir le processus inflammatoire.

Rôle des cytokines inflammatoires dans la douleur du cancer

Les trois paramètres qui jouent un rôle central dans cette douleur inflammatoire, sont les interleukines inflammatoires : IL-1ꞵ, IL-6 et TNFɑ.

La tumeur est composée non seulement de cellules cancéreuses mais aussi de cellules inflammatoires qui libèrent des cytokines inflammatoires (IL-1β, IL-6 et TNFɑ) lesquelles sensibilisant les récepteurs sensoriels. Les stimuli nociceptifs médiés par les cytokines sont détectés par un récepteur sensoriel et transmis aux neurones nociceptifs de la moelle épinière. Le signal est ensuite transmis au cerveau. 

Les cellules gliales jouent un rôle fondamental et forment la tetrasynapse.En effet, les cellules gliales activées par la fibre référente primaire vont libérer des gliomessager qui vont entretenir ces libérations des messagers, on appelle ceci la tetrasynapse : 4 éléments interviennent lors de cette sensibilisation synaptique.

Régulation de la douleur par des cellules non neuronales

L’environnement qui entoure les neurones sensoriels joue un rôle dans la régulation de la douleur. 

On retrouve des interactions entre les différentes parties d'un nocicepteurs (la périphérie, le ganglion dorsal et la corde spinale) et différents types de cellules neuronales. 

Des cellules non neuronales sécrètent des messagers chimiques à la fois pro-nociceptifs et anti-nociceptifs qui se lient à leur récepteurs respectifs exprimés par le nocicepteurs pour moduler sa sensibilité et son excitabilité. 

Les cellules NK (Natural Killer) sont également des acteurs par la sécrétion de différents neuropeptides dont NGF et VEGF qui ont un rôle fondamental.

Rôle clé du NGF (facteur de croissance nerveuse)

Dans le cancer de l'os, le NGF est produit et libéré par les tissus périphériques. 

Il se lie à son récepteur TrkA exprimé par les neurones nociceptifs périphériques. Le NGF associé à son récepteur TrkA conduit à des changements de transcription qui aboutissent à l'augmentation de l'expression de peptides pro-nociceptifs tels que la SP, le CGRP et le BDNF ainsi que des récepteurs et des canaux ioniques mis en jeu dans la nociception tels que TRPV1, ASIC, Nav, Cav, Kv et des mécanotransducteurs.

Il se lie également à d'autres cellules exprimant TrkA (mastocytes et autres cellules immunitaires) ce qui entraîne la libération de médiateur de l'inflammation (histamine, sérotonine, NGF lui-même…). 

Ces éléments entraînent une augmentation de l'activité des neurones nociceptifs périphériques, à l'origine de la sensibilisation périphérique. 

L'activation des neurones nociceptifs périphériques entraîne la libération de ces peptides dans la synapse de la corne dorsale de la moelle épinière formée avec le neurone de projection post-synaptique de deuxième ordre et ces peptides vont se fixer sur leurs récepteurs post-synaptiques spécifiques (SP/NK1, CGRP/CGRP-R, BDNF/TrkA) en plus de la glutamate qui se lie à son récepteur AMPA, ce qui entraîne une activation du neurone post-synaptique par une entrée de calcium dans le neurone et son hyper-activation.

Celle-ci est à l'origine de la sensibilisation centrale facilitant la transmission de l'information vers les neurones thalamiques et corticaux. 

Ainsi le NGF est mis en jeu non seulement dans l'inflammation périphérique, mais aussi, dans la sensibilisation centrale à l'origine de la douleur chronique cancéreuse d'origine inflammatoire.

Anticorps monoclonal anti-NGF pour le contrôle de la douleur chronique du cancer

Les chercheurs ont eu l'idée d'utiliser des anticorps monoclonaux anti-NGF pour bloquer le NGF avec ses actions clés dans les douleurs chroniques cancéreuses.

Les séquences d'acides aminés des domaines variables varient considérablement et les régions complémentaires de détermination (CDR) présentes dans les domaines variables donnent à l'anticorps sa spécificité pour se lier à l'antigène. 

Les anticorps monoclonaux sont produits à partir de clones individuels de cellules B immortalisées (par exemple de souris murines qui sont troquées au niveau des CDRs). Les anticorps humanisés n'utilisent que les CDRs qui se lient à l'antigène spécifique.

Le premier anticorps Tanezumab a été utilisé sur des études pré-cliniques.

Comment le NFG est libéré par les cellules cancéreuses et les cellules stromales associées interviennent dans le pilotage du bourgeonnement des fibres nerveuses sensorielles périphériques TrkA+ et CGR

Le complexe NGF/TrkA constitue un régulateur de la fonction du nocicepteur en modulant la sensibilité ou en augmentant l'expression d'autres récepteurs et de canaux ioniques contribuant à une augmentation de l'excitabilité des nocicepteurs au voisinage de la tumeur. 

La thérapie anti-NGF produit une réduction significative de la douleur induite par la tumeur et du bourgeonnement des fibres nerveuses sensorielles sans modifier la progression de la maladie.

IL-6 et douleur du cancer

L'inflammation est l'une des causes majeures des symptômes associés au cancer, en particulier tels que la fatigue, la cachexie et l'anorexie, en association avec la douleur.

Les 3 cytokines de l'inflammation (IL-6, IL-1ꞵ et TNFɑ) sont des médiateurs potentiels sécrétées de manière aberrantes par les cellules tumorales ainsi que par les cellules pro-inflammatoires immunitaires (macrophages activés) et l'IL-6 joue un rôle majeur dans le développement de l'inflammation chronique particulièrement important dans la douleur.

L'IL-6 se lie à son récepteur IL-6R qui est exprimé par les terminaisons nerveuses sensorielles. A la suite de la stimulation du récepteur, se développe la douleur du cancer de l'os et des douleurs neuropathiques. 

Compte-tenu des niveaux élevés d'IL-6 associés aux tumeurs cancéreuses et son association avec l'hyperalgésie qu'elle engendre, le ciblage pharmacologique de l'IL-6 pourrait jouer un rôle important pour le soulagement de la douleur cancéreuse.

Les traitements spécifiques anti-IL-6 constituent donc une piste de recherche importante pour le soulagement de la douleur cancéreuse.

Le Tocilizumab, un anticorps monoclonal humanisé contre le récepteur de l’IL-6 a été utilisé avec succès pour le traitement de la cachexie cancéreuse, mais n'a pas été étudié pour le traitement de la douleur cancéreuse, ce qui pourrait constituer une piste de recherche clinique intéressante.

La douleur chronique cancéreuse

  • Les obstacles les plus importants pour le développement de nouveaux traitements contre la douleur du cancer sont essentiellement nos connaissances limitées des mécanismes neurobiologiques à l'origine du développement de la douleur du cancer.
  • Les traitements utilisés (opioïdes) jusqu'alors n'ont que peu changé depuis des décennies et sont souvent accompagnés par des complications et des effets secondaires délétères des molécules.
  • Le point essentiel pour le développement de nouvelles thérapies repose donc sur la mise en évidence de nouvelles données scientifiques, non seulement sur les conditions physiopathologiques du développement de la douleur du cancer, mais aussi de celles indépendantes du cancer.

Le premier à avoir développé un modèle de douleur générée par un cancer est Patrick W.Mantyh. Il a eu l'idée d’enfermer le cancer dans un vase clos pour qu'il y reste. Il a donc injecté des cellules d'un cancer de la prostate humain dans la moelle osseuse du tibia d'une souris.

En 2002, il a écrit les phrases suivantes dans la revue Pain : “Les données obtenues grâce à ces deux premiers modèles [chez la souris et chez le rat] ont permis de montrer que beaucoup de changements neurochimiques et comportementaux identiques ont été observés dans les modèles de douleur du cancer chez la souris comme chez le rat, et sont très semblables à celles observées dans l'espèce humaine.” “Chacune des conditions à l'origine de la douleur génèrent des ensembles spécifiques de changements neurochimiques dans la moelle épinière et les neurones sensoriels ainsi que comportementaux.” “La douleur du cancer ne peut donc plus être considérée comme simple douleur inflammatoire ou neuropathique. Différents types de douleurs cancéreuses mettent en jeu des états de douleurs chroniques qui changent avec l'évolution de la maladie.”

Mécanismes centraux des douleurs des cancers osseux

On étudie les changements neurochimiques dans la corne dorsale de la moelle épinière 21 jours après l'injection unilatérale d'un sarcome ostéolytique dans l'espace intra médullaire du fémur. Les changements majeurs interviennent dans la moelle épinière du côté ipsilatéral au fémur porteur de la tumeur cancéreuse avec une augmentation de GFAP, DYN, une expression basale de c-Fos et une expression augmentée de c-Fos dans les neurones localisés dans les couches I et II après la palpation non nociceptive. Par contre, les niveaux de SP, peptide qui est fréquemment surexprimé dans les situations de douleurs persistantes et de PKCᵧ, kinase qui est fréquemment surexprimée dans les situations de douleurs neuropathiques, restent inchangés bilatéralement.

En 2015, les premières publications du groupe de Claire Magnon à l’institut Pasteur à Paris ont montré ce concept des neurosciences du cancer. Claire Magnon a proposé l'hypothèse selon laquelle les tumeurs cancéreuses sont infiltrées par des fibres nerveuses et établissent des échanges d'informations avec ces fibres.

Les systèmes nerveux central et végétatif interagissent et convergent dans leurs actions pour construire un réseau de fibres nerveuses adrénergiques capables de promouvoir un cancer. Tandis qu'une innervation adrénergique locale dans les tumeurs solides périphériques influence le comportement des cellules cancéreuses, le cerveau peut aussi participer au développement du cancer par l'intermédiaire d'une dérégulation croisée du système sympatho-adrénergique, des neurones adrénergiques et de l'axe hypothalamo-hypophysaire adrénergique.

La compréhension des mécanismes originaux à l'origine du cancer sera rendue possible avec la compréhension plus approfondie de la circuiterie nerveuse adrénergique dans le cerveau et les tumeurs, ainsi que des interactions avec leur microenvironnement.

L'hétérogénéité tumorale

Le système nerveux autonome, un nouveau composant du microenvironnement tumoral

La tumeur constitue un petit organe autonome qui va s'organiser en tant que tel pour préserver son intégrité mais ce petit organe autonome va développer un microenvironnement tumoral. L'ensemble de la tumeur et de son microenvironnement va constituer un domaine en tant que tel qui va jouer un rôle fondamental dans le développement des neurosciences du cancer.

La tumeur primaire est composée de cellules cancéreuses phénotypiquement différentes dues à des altérations génétiques et épigénétiques. A cette diversité s'ajoute un microenvironnement tumoral complexe incluant des cellules dérivées de la moelle osseuse mais aussi des fibroblastes, des cellules endothéliales et lymphatiques, des composants non cellulaires… et des fibres nerveuses autonomes qui participent activement à la survie des cellules cancéreuses, à leur prolifération ainsi qu'à leur dissémination.

Le système nerveux autonome un nouveau composant du microenvironnement tumoral

Le système nerveux autonome contribue au développement tumoral et à la progression de la tumeur. Alors que le système nerveux sympathique (SNS) contrôle les phases initiales de la formation de la tumeur en activant les récepteurs adrénergiques ꞵ2 et ꞵ3 (Adr ꞵ2 et Adrꞵ3) exprimés dans le stroma, le système nerveux parasympathique (PNS) stimule la dissémination métastatique des cellules cancéreuses en agissant sur le récepteur cholinergique muscarinique de type 1 (Chrm1) présent dans le microenvironnement tumoral.

Une conception revisitée : les douleurs cancéreuses résultent des interactions bilatérales entre cellules tumorales et cellules nerveuses

La question clé qui va déterminer le développement de nouveaux modèles animaux de douleur du cancer est de savoir si celle-ci a une signature neurochimique spécifique, ou, est simplement inflammatoire et neuropathique. En dehors de ces composantes, les interactions bilatérales entre cellules tumorales et cellules nerveuses constituent la pierre angulaire de la douleur du cancer.

L'étude des mécanismes moléculaires sous-tendant les interactions tumeurs/nerfs constitue donc une nouvelle voie de recherche prometteuse pour la compréhension et le traitement de la douleur associée au cancer.

Bien que les nerfs et les vaisseaux sanguins présentent une proximité physique et un large ensemble d'échanges de signaux de signalisation, l'étude des régulateurs du remodelage vasculaire n'a pas beaucoup attiré d'attention dans le contexte de la douleur associée aux tumeurs.

Les mécanismes contribuant au dialogue nerf-tumeur et progression et dissémination de la tumeur résultant de ces effets

Les cellules cancéreuses sont à l'origine de la croissance des nerfs et de l'innervation de la tumeur par la sécrétion de nombreux facteurs neurogènes, et de vésicules extracellulaires contenant des molécules de guidance d’axones. Une reprogrammation des nerfs intervient du fait de la libération de ces facteurs, transformant un nerf sensoriel en un nerf adrénergique. 

L'Innervation sympathique module le microenvironnement et la croissance de la tumeur. La signalisation sympathique est à l'origine d'une modification angiogénique par l'intermédiaire principalement de la libération croissante de VEGF. Elle stimule la sécrétion d’IL-6 et diminue le nombre de cellules CD8+ et des Natural Killers. Enfin l'expression de ligands neurogènes et de récepteurs (NGF/trK, NGFR, GDNF, LICAM) par les cellules tumorales augmente la propre croissance de la tumeur par le renouvellement des cellules souches.

Interactions bilatérales entre cellules tumorales et cellules nerveuses dans la douleur du cancer : rôle des molécules de la famille VEGF

Les interactions bilatérales entre cellules tumorales et cellules nerveuses constituent la pierre angulaire de la douleur du cancer.

Bien que les nerfs et les vaisseaux sanguins présentent une proximité physique et un large ensemble d'échanges de signaux de signalisation, l'étude des régulateurs du remodelage vasculaire attire beaucoup d'attention dans le contexte de la douleur associée aux tumeurs.

La famille de molécules de signalisation du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) y joue un rôle fondamental. Le VEGF joue non seulement un rôle crucial dans le développement vasculaire au cours de l'embryogenèse et de l’angiogenèse au cours du cancer, mais aussi dans la régulation de l'activité de nombreuses cellules non-endothéliales, en particulier les neurones en développement ou dans les tumeurs en développement.

Le VEGF

Le VEGF est une protéine dont le rôle dans l'organisme est de déclencher la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (l'angiogenèse) nécessaires pour accompagner la croissance des tissus.

Plusieurs molécules différentes ont été identifiées, dont VEGF-A et VEGF-B ainsi que le PLGF (placental growth factor), qui se lient à deux récepteurs à activité tyrosine kinase : VEGFR1 et VEGFR2. Le VEGF-A est également impliqué dans le développement des cancers en particulier pour l'angiogenèse des tumeurs. Le VEGF agit essentiellement sur les cellules de l'endothélium vasculaire, même s'il a une action sur un nombre limité d'autres cellules (comme lors de la stimulation de la migration monocyte/macrophage). Le VEGF augmente également la perméabilité microvasculaire et il est parfois nommé facteur de perméabilité vasculaire.

Rôle fonctionnel des récepteurs VEGFR exprimés dans les neurones périphériques sensoriels

Les molécules de la famille VEGF transmettent leur information en se liant à deux récepteurs tyrosine-kinases, le récepteur VEGF 1 (VEGFR1) et le récepteur VEGF 2 (VEGFR2).

Ces deux récepteurs sont hautement homologues dans leur structure générale mais ont des fonctions biologiques distinctes in vivo :

  • VEGFR1 contribue à la sensibilisation périphérique des neurones sensoriels du fait de son importante distribution à la surface cellulaire des fibres des neurones sensoriels périphériques. VEGF-A exerce, ses effets pro-nociceptifs via VEGFR1, présentant une affinité 10 fois plus élevée pour VEGFR1 que pour VEGFR2.
  • VEGFR2 est impliqué dans tous les aspects de la régulation de l'angiogenèse physiologique et pathologique (anxiogènes tumorale), mais ne contribue pas à la sensibilisation périphérique des neurones sensoriels, du fait de sa localisation nucléaire dans les corps cellulaires des ganglions de la racine dorsale.

Rôle fonctionnel du récepteur VEGFR1 exprimé dans les neurones périphériques sensoriels dans la douleur du cancer

Rôle non vasculaire dans la douleur du cancer humain des agonistes de la famille du VEGF, sécrétés par les cellules tumorales, ligands du récepteur VEGFR1 exprimé par les neurones sensoriels : VEGF-A, PLGF-2 et VEGF-B.

Le blocage systémique du VEGFR1 empêche le remodelage des nerfs sensoriels induit par la tumeur et diminue la douleur du cancer dans des modèles de souris in vivo.

Ces résultats mettent en évidence un rôle potentiel thérapeutique pour des molécules inhibitrices de l'activité du VEGFR1 dans la douleur du cancer et suggèrent un effet palliatif pour les thérapies anti-angiogéniques tumorales ciblant la voie de signalisation VEGF/VEGFR1.

Modulation directe de l'activité des nerfs sensoriels par les agonistes des VEGFR

Effets du blocage immunologie local de la signalisation de VEGFR1 sur la douleur du cancer et sur le remodelage des nerfs : efficacité d'anticorps anti-VEGFR administrés par voie systémique dans un modèle de douleur de cancer osseux induit comme stratégie thérapeutique potentielle :

  • L'utilisation d'anticorps bloquant l'activité biologique de VEGFR1 a inhibé l'hyper-sensibilisation nociceptive induite par une injection intraplantaire de VEGF-A et a par ailleurs atténué significativement l'hypersensibilité mécanique du côté ipsilatéral de la tumeur. Des résultats identiques ont été décrits concernant les comportements douloureux spontanés de défense à des stimulations nociceptives induits par la tumeur.
  • En se basant sur ces résultats, l'intérêt thérapeutique de ces anticorps bloquant l'activité biologique de VEGFR1 dans le traitement du cancer est actuellement testé en recherchant leur efficacité dans l'inhibition de l'hypersensibilité nociceptive et de la douleur associée à la tumeur, ainsi que dans le remodelage des nerfs.

Modulation directe de l'activité des nerfs sensoriels par les agonistes des VEGFR

L'administration du Bevacizumab, un anticorps monoclonal humanisé séquestrant le VEGF-A permet une augmentation de la qualité de vie des patients cancéreux mais son efficacité sur le traitement de la douleur n'a pas été évaluée. Les résultats précédents obtenus chez l'animal suggèrent que la douleur soit directement et objectivement évaluée comme point essentiel dans des études cliniques avec le Bevacizumab ou mettant en jeu des thérapies ciblées sur les agonistes du VEGFR chez les patients cancéreux. 

Plus généralement, les résultats obtenus avec différents modèles animaux de douleur du cancer ainsi que l'analyse des mécanismes associés à l'activité de molécules dans le traitement du cancer humain permettent d'envisager un potentiel thérapeutique pour les molécules modifiant l'activité de VEGFR1 dans la douleur du cancer et suggèrent que le ciblage combinant à la fois VEGFR1 et VEGFR2 pourraient moduler différents aspects de l'interface neurovasculaire-tumeur.

Epidermal Growth Factor (EGF)

Le facteur de croissance EGF est une protéine aux multiples actions, principalement trophiques. Son site d'action est non seulement lié au tissu épidermique mais aussi à de nombreux autres tissus, dont le tissu nerveux, exprimant sur récepteur EGFR.

Sa fixation à son récepteur EGFR déclenche une multiplication cellulaire rapide à l'origine de la prolifération des tissus cibles.

Rôle fonctionnel de la voie de signalisation EGF/EGFR exprimée par les neurones périphériques sensoriels dans la douleur du cancer

Dans la mesure où le récepteur EGFR est exprimé le long des voies neurophysiologiques de la douleur, la voie de signalisation EGF/EGFR pourrait jouer un rôle significatif dans la modulation de la douleur du cancer, et les recherches en cours, et futures, menées sur les molécules associées à cette voie de signalisation sont tout à fait prometteuses pour le développement du traitement de la douleur du cancer.

Rôle fonctionnel de la voie de signalisation EGF/EGFR dans la modulation de la douleur du cancer

Le principal ligand du récepteur EGFR est l'EGF qui présente une affinité élevée pour son récepteur. 

Une injection périphérique d'EGF génère une réponse nociceptive aiguë.

L'inhibition de l'activité de l'EGFR diminue les comportements générés par des stimulations nociceptives. Par exemple en piégeant ses ligands empêchant leur fixation sur l'EGFR par des anticorps spécifiques, ou en utilisant des inhibiteurs de l'activité tyrosine kinase de l'EGFR mise en jeu quand le récepteur est activé par son ligand.

Actuellement, deux approches fondamentales ciblant la voie de communication de l'EGFR pour le traitement du cancer et de la douleur du cancer sont à l'étude.

  • La première approche met en jeu l'utilisation d'anticorps monoclonaux qui se lient au domaine extracellulaire de l'EGFR, empêchant l'activation du récepteur.

La plupart des résultats rapportés dans la littérature portent sur les recherches pharmacologiques dans le traitement du cancer et non de la douleur du cancer. Mais de fait, certaines de ces molécules pourraient présenter un intérêt pour le traitement de la douleur chronique du cancer. En particulier l'utilisation d'anticorps monoclonaux, qui se lient aux domaines extracellulaire de l'EGFR, est à l'origine de l'inhibition de l'EGFR; parmi ces anticorps monoclonaux, le Cetuximab est actuellement le seul agréé par la FDA (Food and Drug Administration) et l'EMA (Agence Européenne de Médecine) pour le traitement des cancers oraux en combinaison avec une radiothérapie. 

Un cas clinique rapporté dans la littérature fait état d'un patient de 68 ans présentant un cancer rectal métastatique, avec des douleurs neuropathiques pelviennes irradiant sa jambe gauche, douleurs résistantes aux traitements standards. Après 3 années de douleurs exacerbées, un injection d'anticorps anti-EGFR, le Cetuximab, le soulagera complètement quelques heures après, un effet qui se prolongera pendant 10 à 12 jours. Cet effet s’était renouvelé tous les 12 jours pendant 3 ans et demi alors que son cancer continuait à progresser.

  • La deuxième approche met en jeu l'utilisation de molécules inhibitrices de l'activité du domaine intracellulaire tyrosine-kinase du récepteur EGFR, qui se lient à ce domaine et bloquent la voie de signalisation en aval.

L'une d'entre elles, l'Erlotinib, utilisée seule ou en combinaison avec la cisplatine (un anticancéreux couramment utilisé), a été agréée par la FDA pour le traitement du cancer et présente des résultats prometteurs. Le récepteur de l’EGF, EGFR est une protéine transmembranaire composée de deux monomères composés de deux sous unités alpha et bêta. La sous unité alpha va permettre le récepteur de l’EGF et la sous unité bêta va permettre la phosphorylation croisée des deux sous unités. Seule la formation de la structure dimérique génère l'activité du récepteur caractérisée par une phosphorylation des activités tyrosine kinase intracellulaires.

Conclusion

“La clé du succès dans ce champs de recherche repose certainement sur la prise en compte de la biologie des tumeurs, en association avec notre meilleure compréhension des éléments à l'origine de la douleur cancéreuse, aux niveaux d'organisation de la biologie moléculaire et cellulaire, et de son prolongement dans le temps” Patrick W. Mantyh


Fiche créée par Julia F. et relue par Camille R. Mise à jour le 11-04-2025