Aider les femmes et enfants victimes de violences

avec Ghada Hatem, Docteur en Gynécologie - Obstétrique et Fondatrice de la Maison des Femmes à Saint-Denis

Ghada Hatem, Docteur en Gynécologie - Obstétrique et Fondatrice de la Maison des Femmes à Saint-Denis, répond à dix questions posées sur notre compte Instagram sur le thème "Femmes et enfants victimes de violences". Une occasion de parler de ce sujet qui concerne de nombreuses femmes et enfants !

Question 1 : Quels sont les signes qui doivent alerter ? Comment les détecter ?

De nombreux signes peuvent alerter et ils sont très variables.

  • Quand il s’agit de violences physiques, il peut s’agir de signes :
    • Directs, comme des blessures inexpliquées / répétées avec alibis parfois vagues. Exemples : Blessures par la porte du placard un jour, par la portière de la voiture un autre.
    • Indirects que peuvent évoquer une dissimulation des marques et cicatrices. Exemples : Maquillage épais, lunettes de soleil et/ou vêtements longs par tous les temps.

  • D’autres signes peuvent alerter et être quel que soit le type de violence (liste non exhaustive) :
    • Attitude d’isolement avec retrait de la vie sociale. Exemple : Refus de toutes sorties.
    • Attitude vis-à-vis du conjoint. Exemples : Femme semblant avoir peur de la réaction de celui-ci.
    • Attitude du conjoint. Exemple : Omniprésent avec des messages incessants et/ou humiliant en public avec un dénigrement répété.
Aider les victimes de violences idee 1

Question 2 : Comment amener une victime à se confier ?

  • Il est essentiel de ne jamais brusquer la victime. Il ne faut pas imposer le sujet. Cela risque d’amener la victime à se braquer car, dans sa vie, tout lui est déjà imposé.
  • Il est préférable de laisser entendre que l’on suspecte les choses et que l’on est inquiet pour elle.

 

Exemples : "Tu es très fatiguée ces derniers temps, je m’inquiète pour toi" ; "Tu sembles toujours sur le qui-vive, tout va bien ?"

Question 3 : Comment aborder le sujet des violences quand on les suspecte ?

Il est difficile d’aborder le sujet des violences de manière frontale. Cela risque de fermer la discussion.

Il est préférable d’aborder la question de façon plus détournée en parlant du sujet "à distance". Exemple : On peut aborder avec elle un article sur le sujet qui nous a interpellé ou évoquer à ses côtés une situation qui ressemble à la sienne en lui demandant son avis.

De plus, il est essentiel de montrer que l’on est à l’écoute et que l’on est prêt à tout entendre.

Question 4 : Quels recours ont les médecins quand ils suspectent des violences conjugales ?

  • Le premier rôle du médecin est d'aborder le sujet des violences en posant systématiquement la question des antécédents de violences vécues par la patiente. Elle est alors libre de répondre ou non. Mais, en général, elle se saisira de cette main tendue.
  • Une fois les faits révélés, son rôle est d’accompagner la patiente à son rythme à elle, en fonction de ses besoins. Exemple : Il peut lui donner des adresses d’associations, lui fournir un arrêt de travail, l’orienter vers d’autres structures (voir question 10).
  • Il ne doit pas oublier de rédiger un certificat constatant les blessures même si la patiente ne souhaite pas porter plainte. Ce certificat peut contenir des photos et doit être conservé dans le dossier médical. Il pourra servir à la patiente si, par la suite, elle décide de se rendre au commissariat.
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Question 5 : Quels conseils donner à une femme qui vit de la violence dans son foyer ?

  • Avoir un petit sac prêt, contenant les papiers importants, un peu d'argent et quelques vêtements.
  • Numériser tous les papiers officiels, et les mettre dans un coffre fort numérique. Exemple : Mémo de vie
  • Identifier une personne ressource que l'on peut appeler à tout moment.
  • Donner aux enfants des consignes claires et adaptées à leur âge en cas de besoin. Exemple : Appeler mamie, la voisine, éventuellement la police ; enregistrer les numéros.
  • Identifier les issues de secours possibles de l'immeuble.

Question 6 : Comment éviter qu’une victime s’isole ?

  • Il est important de se rappeler que la victime n’est pas responsable de ce qui se passe. C’est l’agresseur qui fait tout pour isoler la victime de son entourage.
  • Il est essentiel d’essayer de garder le contact. Exemple : Multiplier les opportunités de rencontres.
  • Il faut aussi faire attention au moyens de communications. Il est préférable d’échanger avec la victime par canaux sécurisés. Il ne faudrait pas que ces échanges soient découverts par l’agresseur et entraînent d’autres violences. Exemple : Messagerie instantanée avec messages éphémères.

Question 7 : Comment réagir quand une femme victime retourne avec son agresseur ?

  • Il est important de ne pas la culpabiliser, même si on a mis beaucoup d’énergie à l’aider à le quitter. Partir n’est pas une chose facile. On dit souvent qu’il faut être parti 7 fois avant de partir définitivement.
  • Il est essentiel de rester disponible si la femme à de nouveau besoin de fuir. On peut aussi lui faire savoir que l’on ne porte pas de jugement face à sa décision.

Question 8 : Où commencent les violences physiques d’un parent envers son enfant ?

Les violences physiques envers un enfant commencent au premier coup. Dès la première gifle.

  • Il peut s’agir d’un geste unique dans un moment de grande colère ou d'inquiétude, mais avec un parent qui se maîtrise alors rapidement.
  • Mais, en général, les violences physiques ne sont pas isolées. Elles s’associent notamment à des violences psychologiques et des négligences affectives et éducatives.
  • Il est essentiel de dépister le plus tôt possible tous les types de violences, physiques ou non. En effet, chacune d’entre elles détruit l’enfant peu à peu.

Question 9 : Comment agir quand il s’agit de violence sur mineur ?

  • Toute personne qui suspecte des violences envers un enfant doit les signaler aux autorités.
  • Quand on est un proche (ou toute autre personne), il est possible de contacter le 119 qui est un numéro destiné à tout enfant ou adolescent victime de violences, ou à toute personne préoccupée par une situation d'enfant en danger ou en risque de l'être. Il est aussi possible de contacter l’Aide Sociale à l'Enfance (ASE).
  • Quand on est professionnel de santé, on doit signaler le cas à la CRIP, la cellule de recueil des informations préoccupantes. Elle pourra alors mener son enquête. Si le médecin est particulièrement inquiet, il peut directement s’adresser par courrier au procureur de la République.

Question 10 : Vers qui orienter une femme victime de violences ?

  • Il est préférable d’orienter les victimes vers les structures qui offrent une prise en charge globale. Exemples : Les Maisons des femmes qui se déploient sur le territoire national.
  • Il est aussi utile de communiquer les adresses et contacts d’associations d’aide aux victimesExemples : CIDFF, France Victime.
  • On peut aussi conseiller d’appeler le 3919 qui est un numéro accessible 24h/24 et 7 jours sur 7. Ce numéro garantit l’anonymat. Il propose une écoute, informe et oriente vers des dispositifs d'accompagnement et de prise en charge. 

À Retenir De Cette Fiche Santé

  • De nombreux signes directs et/ou indirects peuvent alerter. 
  • Il est essentiel de ne jamais brusquer la victime et de ne pas imposer le sujet. Il est préférable d'en parler de façon détournée dans un premier temps. 
  • On peut tous aider et accompagner les femmes et enfants qui sont victimes de violences.