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Maladie de Steinert

La dystrophie myotonique de Steinert, un nom complexe pour une maladie encore méconnue du grand public. Pourtant, il s'agit de la forme la plus courante des maladies neuromusculaires chez l'adulte. Multisystémique, elle affecte de nombreux organes et fonctions, avec des manifestations qui varient considérablement d’un patient à l’autre.

Cette pathologie, bien que rare, mérite une meilleure reconnaissance, notamment auprès des professionnels de santé. Une prise en charge adaptée est essentielle pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes. Parmi les nombreux symptômes, les troubles de la déglutition (ou dysphagies) sont particulièrement fréquents mais souvent sous-estimés. Or, ces difficultés peuvent avoir un impact majeur sur la santé et le pronostic vital des patients, rendant d'autant plus cruciale une prise en charge précoce et multidisciplinaire.

Cette fiche vise à fournir une synthèse claire et accessible sur la maladie de Steinert, en mettant en lumière ses principaux symptômes, son impact sur la vie quotidienne et l'importance d'un accompagnement médical et paramédical adapté.

Présentation générale de la dystrophie myotonique de Steinert

La dystrophie myotonique de Steinert est une maladie neuromusculaire héréditaire qui associe une faiblesse musculaire progressive (dystrophie) à un trouble du relâchement musculaire appelé myotonie. Cette difficulté à détendre les muscles après une contraction est l’un des signes distinctifs de la maladie.

En tant que pathologie multisystémique, elle ne se limite pas aux muscles et peut affecter divers organes simultanément, notamment les yeux, le système nerveux, l’appareil cardio-respiratoire, le système digestif et les glandes endocrines. L’évolution de la maladie est très variable d’un patient à l’autre, tant en termes de gravité que de pronostic.


La dystrophie myotonique de Steinert est également connue sous d’autres noms. On la retrouve sous les appellations de dystrophie myotonique, maladie de Steinert, myotonie de Steinert ou encore myopathie de Steinert. Sur le plan médical, elle est aussi désignée sous les termes de dystrophie myotonique de type 1 (DM1), dystrophia myotonica, atrophia myotonica ou syndrome de Curschmann-Batten-Steinert. Ces différentes dénominations font référence à la même pathologie, décrite pour la première fois en 1909 par le médecin Hans Gustav Wilhelm Steinert.

Prévalence et population touchée

La dystrophie myotonique de Steinert est la maladie musculaire héréditaire la plus fréquente chez l’adulte. Elle touche aussi bien les hommes que les femmes, sans distinction de groupe ethnique ou de répartition géographique spécifique.

Sa prévalence est généralement estimée à environ 1 cas pour 10 000 habitants dans la plupart des pays. Cependant, certaines régions présentent une fréquence nettement plus élevée. Par exemple, dans le nord de la Suède, on recense environ 70 cas pour 100 000 habitants, tandis que la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec, affiche la prévalence la plus élevée au monde, avec environ 194 cas pour 100 000 habitants. Cette concentration exceptionnelle s'explique par une forte natalité et un relatif isolement de la population sur plusieurs générations. Toutefois, avec l’avancée du dépistage génétique et la diminution des taux de natalité, cette prévalence pourrait diminuer dans les années à venir.

Causes et facteur de risques

  • Causes : Il s'agit de l'origine directe de la maladie, c'est-à-dire ce qui la provoque. Pour la dystrophie myotonique de Steinert, la cause est génétique. Elle est due à une mutation du gène DMPK situé sur le chromosome 19. Cette mutation entraîne une répétition anormale d'une séquence de trois nucléotides (CTG), ce qui perturbe le fonctionnement normal des cellules musculaires et d'autres tissus.
  • Facteurs de risque : Ce sont des éléments qui augmentent la probabilité d’avoir la maladie. Dans le cas de la maladie de Steinert, comme il s'agit d'une maladie génétique héréditaire, le principal facteur de risque est d'avoir un parent porteur de la mutation. Contrairement aux maladies environnementales ou infectieuses, il n'existe pas de facteurs de risque liés au mode de vie ou à l'environnement (comme l'alimentation, le tabac, l'exposition à des toxines, etc.).

En résumé :

  • Cause Mutation génétique du gène DMPK
  • Facteur de risque = Transmission héréditaire (antécédents familiaux)

Origine génétique de la maladie de Steinert

Mode de transmission

La dystrophie myotonique de Steinert est une maladie génétique à transmission autosomique dominante. Cela signifie que le gène responsable de la maladie est situé sur un chromosome non sexuel (chromosome 19) et qu'il suffit qu’un seul des deux parents soit porteur de l’anomalie pour qu'un enfant hérite de la maladie. Hommes et femmes sont donc touchés de manière égale.

En raison de ce mode de transmission dominant, chaque enfant d’un parent atteint a une probabilité de 50 % d’hériter de la mutation et donc de développer la maladie, quelle que soit son sexe.

Une anomalie génétique liée à la répétition de triplets

L’origine de la maladie de Steinert repose sur une mutation dans le gène DMPK (Dystrophia Myotonica Protein Kinase), situé sur le chromosome 19. Cette mutation a été identifiée en 1992 et concerne une séquence particulière d’ADN composée de trois nucléotides CTG (cytosine - thymine - guanine).

Chez une personne non atteinte, cette séquence est répétée entre 5 et 37 fois. En revanche, chez les personnes atteintes de la maladie, cette répétition devient excessive, ce qui entraîne un dysfonctionnement du gène et des effets néfastes sur les cellules musculaires et d'autres tissus de l'organisme.

Le nombre de répétitions varie d’un individu à l’autre faisant partie de la même famille ou non. En outre, au cours de l’existence, ce nombre peut également varier. Même si cela n’a pas été prouvé scientifiquement, de manière générale, on peut établir un lien entre le nombre de répétitions et la sévérité des troubles.

« Un individu est considéré comme atteint de dystrophie myotonique s’il est porteur de 50 répétitions CTG et plus. Les patients porteurs de 50 à 99 répétitions CTG ne manifestent le plus souvent que des cataractes. Les patients porteurs de 100 à 200 répétitions CTG sont beaucoup plus susceptibles de présenter des manifestations de la maladie ». 

Dans la dystrophie myotonique de Steinert, on distingue quatre formes de la maladie : la forme congénitale, la forme infantile, la forme adulte commune et la forme tardive.

Relevons également qu’il existe d’autres types de dystrophie myotoniques de Steinert, DM2 (dystrophie myotonique de type 2) et DM3 (dystrophie myotonique de type 3), mais ces formes sont moins connues et encore plus rares que la DM1.

Principaux signes/symptômes clinique

Les principaux signes cliniques évoquant le diagnostic de la dystrophie myotonique de Steinert :

  • La myotonie, surtout au niveau des mains ;
  • La faiblesse musculaire ;
  • La cataracte précoce ;
  • Les signes cardiaques.

Parfois, ce sont les antécédents familiaux qui permettent de penser à la maladie, d’où l’importance de l’anamnèse réalisée par le médecin.

Quand les manifestations de la maladie sont atypiques et/ou discrètes, le diagnostic de maladie de Steinert peut être difficile à établir.

La maladie de steinert progresse dans le temps

  1. L'âge d'apparition des symptômes
    • La maladie peut se manifester à différents âges, allant de la naissance à l’âge adulte.
    • Plus elle apparaît tôt, plus elle est généralement sévère (forme congénitale = la plus grave).
  2. L'aggravation progressive des symptômes
    • C’est une maladie évolutive, ce qui signifie que les symptômes s’aggravent avec le temps.
    • La myotonie (difficulté à relâcher les muscles) et la faiblesse musculaire deviennent de plus en plus marquées.
    • Les atteintes cardiaques, respiratoires, digestives et endocriniennes peuvent apparaître progressivement.
  3. Les différentes formes de la maladie et leur évolution
    • Forme congénitale (naissance) : Hypotonie sévère, difficultés respiratoires et troubles cognitifs.
    • Forme infantile (enfance) : Troubles du langage, difficultés motrices et fatigue accrue.
    • Forme adulte (plus fréquente) : Myotonie, faiblesse musculaire progressive, troubles cardiaques et respiratoires.
      • La répartition statistique générale entre les différentes formes cliniques dans la population atteinte est d’environ : 5% congénitale, 19% infantile, 26% junévile, 39% adulte et 11% tardive. L’expression est extrêmement variable d’un individu à l’autre dans une même forme clinique et il existe un chevauchement entre les différentes formes.
  4. Les complications possibles
    • L’évolution peut entraîner des difficultés à marcher, à avaler (dysphagie) et des problèmes cardiaques ou respiratoires qui nécessitent une prise en charge.
    • Les fonctions cognitives et l’attention peuvent aussi être affectées chez certains patients.


En résumé, l’évolution de la maladie correspond à la façon dont les symptômes apparaissent, s’aggravent et impactent progressivement la qualité de vie des patients.

Diagnostic

Etablir le diagnostic

La maladie de Steinert peut être suspectée par divers professionnels de santé, notamment les neurologues, neuropédiatres et médecins spécialisés, en raison de la diversité des symptômes qu’elle présente. Cette variabilité clinique contribue souvent à un diagnostic tardif, après une période d’errance diagnostique que les avancées médicales tentent de réduire.

Confirmer le diagnostic

Deux examens complémentaires sont essentiels pour valider le diagnostic : le test génétique et l’électromyogramme (EMG).

Le test génétique est aujourd’hui la méthode la plus fiable pour confirmer la maladie de Steinert. Il repose sur l’analyse de l’ADN, obtenu par une prise de sang, afin d’identifier la présence d’une expansion anormale de triplets CTG dans le gène DMPK, situé sur le chromosome 19.

L'interprétation des résultats est la suivante :

  • 5 à 34 répétitions de CTG : Test négatif, absence de la maladie
  • 37 à 50 répétitions de CTG : Présence d’une prémutation, sans manifestations cliniques, mais pouvant être transmise aux générations suivantes
  • Plus de 50 répétitions de CTG : Confirmation de la maladie

Ce test nécessite le consentement du patient ou, pour un mineur, celui de ses parents.

L’EMG est un examen clé pour l’évaluation des maladies neuromusculaires, notamment la dystrophie myotonique de Steinert. Il consiste à insérer des aiguilles-électrodes dans certains muscles pour mesurer leur activité électrique. Chez les patients atteints, il révèle la présence de décharges myotoniques caractéristiques lors de la contraction musculaire.

Cet examen permet également d’évaluer la vitesse de conduction nerveuse, qui reste généralement normale dans cette pathologie. Toutefois, l’EMG peut être moins fiable chez les nourrissons ou en cas d’atteinte musculaire avancée.


Bien que ne permettant pas d’affirmer le diagnostic, d’autres examens peuvent être réalisés pour orienter la démarche diagnostique, tels que :

  • Le dosage des enzymes musculaires, qui peut révéler une élévation des taux en cas de souffrance musculaire
  • La biopsie musculaire, permettant d’étudier les anomalies des fibres musculaires
  • L’imagerie cérébrale (IRM ou scanner), utile pour détecter certaines atteintes associées

 

Il est essentiel de distinguer la maladie de Steinert d’autres pathologies présentant des symptômes similaires.

Diagnostic différentiel de la forme adulte

La dystrophie myotonique de Steinert correspond à la forme DM1. Il est nécessaire de la différencier :

  • Des autres dystrophies myotoniques, notamment la DM2 et la plus rare DM3
  • Des autres formes de myotonies, qui n’ont pas nécessairement les mêmes mécanismes physiopathologiques
  • Des autres dystrophies musculaires, qui ne présentent généralement pas de myotonie, facilitant leur distinction

Diagnostic différentiel de la forme congénitale

La forme congénitale de la maladie de Steinert doit être différenciée d’autres causes d’hypotonie néonatale, comme :

  • Les myopathies congénitales
  • L’amyotrophie spinale
  • La myasthénie néonatale


Un diagnostic précis est essentiel pour adapter la prise en charge et le suivi des patients.

Traitement et prise en charge

À ce jour, aucun traitement curatif ne permet de guérir la maladie de Steinert ou d’éliminer définitivement l’ensemble de ses symptômes.

La dystrophie myotonique de Steinert est une maladie complexe et dont l'expression varie considérablement d’un patient à l’autre. Une prise en charge pluridisciplinaire est donc essentielle pour assurer un suivi médical adapté et optimal.

Il est recommandé d’orienter les patients vers un centre de référence pour les maladies neuromusculaires, où ils pourront bénéficier d’un suivi spécialisé et d’une approche coordonnée entre différents professionnels de santé.

« La prise en charge est actuellement symptomatique. Elle vise principalement à prévenir les complications, en particulier cardiaques et respiratoires, et repose sur des traitements médicamenteux et/ou techniques destinés à améliorer la qualité de vie des patients. » (AFM)

Dans ces centres, des consultations multidisciplinaires sont organisées afin de réunir tous les spécialistes nécessaires (neurologues, cardiologues, pneumologues, etc.). Un bilan annuel est recommandé pour surveiller l’évolution de la maladie et adapter la prise en charge en conséquence.


En fonction des symptômes, plusieurs traitements peuvent être envisagés :

  • Traitement médicamenteux :
    • Mexilétine pour réduire la myotonie
    • Modafinil pour lutter contre la somnolence excessive
    • Quinidine pour stabiliser le rythme cardiaque
  • Interventions chirurgicales :
    • Pose d’un pacemaker ou d’un stimulateur cardiaque en cas de troubles du rythme
    • Opération de la cataracte
    • Ablation de la vésicule biliaire (cholécystectomie) si nécessaire
  • Dispositifs et aides techniques :
    • Utilisation d’orthèses, d’appareils auditifs ou de prothèses dentaires en fonction des besoins individuels


En complément, une prise en charge par des professionnels paramédicaux est souvent nécessaire :

  • Kinésithérapie pour entretenir la mobilité musculaire et prévenir les rétractions
  • Ergothérapie pour améliorer l’autonomie au quotidien
  • Orthophonie pour traiter les troubles de la déglutition et de la parole
  • Psychologie pour accompagner les patients et leur entourage face aux défis de la maladie
  • Orthoptie, podologie, orthodontie selon les atteintes spécifiques de chaque individu


Enfin, une surveillance médicale régulière est indispensable, avec un bilan annuel approfondi portant sur les fonctions cardiaque, respiratoire, musculaire, endocrinienne, ophtalmologique, psychologique et de la déglutition afin d’adapter la prise en charge et prévenir d’éventuelles complications.

Prévention et dépistage

Mesures préventives

La dystrophie myotonique de Steinert étant une maladie génétique à transmission autosomique dominante, il n’existe pas de prévention primaire permettant d’éviter son apparition. Toutefois, certaines mesures peuvent être mises en place pour réduire les complications et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes :

  • Suivi médical régulier : Un bilan annuel multidisciplinaire est recommandé afin de surveiller l’évolution de la maladie et prévenir les complications, notamment cardiaques, respiratoires et musculaires.
  • Prise en charge précoce : Un dépistage précoce des atteintes associées (troubles cardiaques, respiratoires, musculaires) permet une meilleure gestion des symptômes et une adaptation rapide des traitements.

Prévention des complications

  • Consultation régulière en cardiologie pour détecter d’éventuels troubles du rythme cardiaque
  • Surveillance respiratoire pour anticiper les risques d’insuffisance respiratoire et mettre en place une assistance si nécessaire
  • Kinésithérapie et rééducation pour préserver la mobilité et limiter la perte musculaire
  • Orthophonie pour prévenir les troubles de la déglutition et de la parole
  • Accompagnement psychologique pour aider les patients et leur entourage à mieux gérer l’impact de la maladie

Dépistage

Le dépistage de la maladie de Steinert repose sur l’analyse génétique permettant d’identifier la mutation du gène DMPK responsable de la pathologie.

  • Dépistage chez les personnes à risque : Les individus ayant des antécédents familiaux de la maladie peuvent réaliser un test génétique prédictif, sous réserve d’un accompagnement médical et psychologique. Ce test permet de détecter une éventuelle mutation génétique avant l’apparition des symptômes.
  • Dépistage prénatal : Lorsqu’un des parents est porteur de la mutation, un diagnostic prénatal (DPN) peut être réalisé par prélèvement de villosités choriales (au 1er trimestre) ou par amniocentèse (au 2ᵉ trimestre) pour déterminer si le fœtus est atteint.
  • Dépistage néonatal : Dans les cas où la forme congénitale est suspectée à la naissance, un test génétique peut être effectué rapidement pour confirmer le diagnostic et permettre une prise en charge précoce.


Bien que le dépistage génétique soit un outil précieux, il soulève des questions éthiques et psychologiques. C'est pourquoi il doit toujours être accompagné d’un suivi médical spécialisé et d’un soutien psychologique, notamment dans le cadre d’un dépistage prédictif ou prénatal.