Prise en charge post‑greffe d’organe : immunosuppresseurs, rejet et complications immunitaires

Lorsqu'un organe est greffé (rein, foie, cœur, poumon, etc.), le système immunitaire du receveur peut le percevoir comme un corps étranger et tenter de le détruire, un processus connu sous le nom de rejet. Pour contrer ce phénomène, un traitement immunosuppresseur est mis en place afin de réduire la réponse immunitaire. Toutefois, cette immunodépression entraîne une vulnérabilité accrue aux infections et aux cancers secondaires.

Les progrès médicaux ont permis d'améliorer la prise en charge et d'augmenter le nombre de greffes. Chaque année, plusieurs milliers d'interventions sont réalisées en France. Si la survie des patients et des greffons s'est nettement améliorée, la gestion des risques de rejet et des complications demeure essentielle.

Causes et facteurs de risque

Le rejet du greffon peut prendre plusieurs formes. Le rejet cellulaire, médié par les lymphocytes T du receveur, survient généralement de manière aiguë, dans les jours ou mois suivant la greffe. Ce type de rejet se manifeste par une infiltration lymphocytaire et une endothélite. En revanche, le rejet humoral implique les lymphocytes B et la production d'anticorps dirigés contre les antigènes du greffon. Il peut apparaître de façon hyper aiguë (immédiatement après la greffe) ou sous forme aiguë ou chronique. Son diagnostic repose notamment sur la présence de dépôts de C4d et de lésions vasculaires.

D'autres facteurs peuvent favoriser ces rejets, notamment une mauvaise observance du traitement immunosuppresseur, des incompatibilités HLA résiduelles, ainsi que des infections ou des événements inflammatoires susceptibles de stimuler la réponse immunitaire.

L'immunodépression entraîne également des complications. Le patient greffé est plus vulnérable aux infections opportunistes (bactériennes, virales, fongiques ou parasitaires). Il existe aussi un risque accru de cancers secondaires tels que les lymphomes post-transplantation ou les carcinomes cutanés. Enfin, certains traitements immunosuppresseurs sont associés à des effets indésirables, comme une toxicité rénale ou des troubles métaboliques (diabète, hyperlipidémie).

Symptômes

  • Douleurs ou gonflement au niveau de l’organe transplanté
  • Baisse de la fonction du greffon (par exemple élévation de la créatinine pour une greffe rénale)
  • Fièvre inexpliquée
  • Fatigue persistante
  • Altération de l’état général
  • Troubles respiratoires ou digestifs en cas d’infection
  • Présence d’adénopathies, perte de poids inexpliquée ou sueurs nocturnes (signes évocateurs de lymphome)
  • Apparition de lésions cutanées suspectes

Diagnostic

Le diagnostic repose sur un ensemble d'examens cliniques et biologiques. Un bilan sanguin permet d'évaluer la fonction de l'organe greffé et de détecter des marqueurs inflammatoires. Le dosage des immunosuppresseurs est essentiel pour s'assurer d'un équilibre optimal entre prévention du rejet et réduction des risques infectieux. L'imagerie médicale (échographie, scanner, IRM) et la biopsie du greffon permettent d'affiner le diagnostic et d'identifier la nature du rejet (cellulaire ou humoral). Enfin, des tests microbiologiques, comme la PCR pour le CMV, l'EBV ou le BK virus, sont réalisés pour détecter d'éventuelles infections.

Traitements

  • Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, cyclosporine) et corticostéroïdes (prednisone) comme base du traitement immunosuppresseur
  • Antiprolifératifs (mycophénolate mofétil) et inhibiteurs de mTOR (sirolimus, everolimus)
  • Agents biologiques (basiliximab, ATG) en cas de rejet aigu
  • Pour rejet cellulaire aigu : augmentation des corticoïdes ou administration d’anticorps anti‑lymphocytes (ATG)
  • Pour rejet humoral aigu : plasmaphérèse, immunoglobulines IV et anticorps monoclonaux (rituximab)
  • Traitement des infections : antibiotiques, antiviraux ou antifongiques selon l’agent identifié
  • Prophylaxie systématique (ex. Bactrim pour Pneumocystis, antiviraux pour CMV)
  • Réduction de l’immunosuppression ou traitement oncologique standard en cas de cancers secondaires

Prévention

Une approche préventive est essentielle pour minimiser les risques de complications post‑greffe. L'ajustement du protocole immunosuppresseur permet de limiter la survenue d'infections et d'effets secondaires. La vaccination pré‑greffe (hépatite B, grippe, pneumocoque) et les rappels post‑greffe sont recommandés. Un suivi régulier, comprenant des bilans biologiques et des contrôles virologiques (CMV, EBV, BK virus), est indispensable pour anticiper d'éventuelles complications.

Sources :

  • Meier-Kriesche HU, Kaplan B. Immunosuppression in renal transplantation: a paradigm shift. Semin Nephrol. 2014;24(5):506-510.
  • Chapman JR, Webster AC, Wong G. Cancer in the transplant recipient. Cold Spring Harb Perspect Med. 2013;3(7):a015677.
  • Fishman JA. Infection in Organ Transplantation. Am J Transplant. 2020;20(S4):1119–1126.
  • Bunzel B, Laederach-Hofmann K. Long-term effects of heart transplantation: the gap between physical performance and emotional well-being. Scand J Rehabil Med. 2000;32(3):197-203.


Rédaction : Léa KAUTZMANN